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Quelques techniques de cuisine moléculaire

 


La Sphérification


     La sphérification consiste à mettre une préparation liquide sous forme de sphères. Il existe deux types de sphérification: la sphérification basique et la sphérification inverse.
 
La sphérification basique
          Cette technique peut être réalisée grâce à l'utilisation d'alginate de sodium, qui, comme vu précédemment, a la propriété de gélifier en présence de calcium.
      L'alginate de sodium est une longue chaîne, qui comporte de nombreux groupements carboxyles CO2- associés chacun à un ion sodium Na+, ce qui rend la molécule neutre.
       Lorsque l'alginate de sodium se trouve en présence de calcium, les ions Ca2+ prennent la place des ions sodium. Les ions calciums étant divalents, ils peuvent former deux liaisons covalentes et donc chacun des ions calcium a la possibilité de réagir avec deux groupements CO2-, liant par conséquent deux chaînes d'alginate entre elles.
       Cette polymérisation des chaînes d'alginate est à l'origine de la pellicule gélifiée qui se forme autour des sphères, car les chaînes, au départ flexibles, deviennent plus rigides et ainsi se forme un vaste réseau. On obtient donc une sphère au cÅ“ur liquide, instable dans le temps (le calcium progressant vers l'intérieur, la sphère gélifiera complètement).

 Schéma de la sphérification basique

Schéma de la polymérisation des chaînes d'alginate sous l'action du calcium

Afin de tester la sphérification basique, nous avons réalisé des billes de grenadine en laboratoire.

  • Bain avec du calcium : nous avons dilué 6 mg de lactate de calcium dans 200 ml d'eau minérale et placé cette préparation au réfrégirateur.

  • Préparation avec de l'alginate de sodium : dans un saladier rempli avec 100 ml d'eau et 100 ml de sirop de grenadine, nous avons  ajouté 2 mg d'alginate de sodium . 

  • Préparation dans le bain : A l'aide d'une pipette, nous avons aspiré le liquide contenant le sirop et repoussé goutte à goutte la solution au dessus du bain de trempage riche en calcium. Les perles se sont formées instantanément au contact de la solution.

  • Récupération des billes : Il a ensuite fallu les récupérer à l'aide d'une cuillère spéciale sphérification.

Voici une vidéo de notre réalisation

      La sphérification basique consiste donc à plonger une préparation à laquelle on a préalablement ajouté de l'alginate de sodium, dans un bain de lactate de calcium.

 

La sphérification inverse
 
          Dans le cas de la sphérification inverse, le calcium nécessaire à la gélification est incorporé au produit que l'on veut sphérifier (ici la grenadine) et la préparation est alors plongée dans un bain d'alginate de sodium.
        Mais quelque soit la formule choisie, lorsque la préparation est plongée dans le bain qui lui correspond, une pellicule gélifiée se forme instantanément autour de la préparation. 
          C'est à ce moment-là que l'on peut noter une différence entre ces deux types de sphérification.

 

  • En effet, lors de la sphérification basique, c'est le calcium contenu dans le bain qui entre dans la préparation et forme un gel avec l'alginate de sodium. Les sphères obtenues ont ainsi un coeur liquide, mais avec le temps elles finiront par gélifier complètement, car le calcium va continuer à progresser vers l'intérieur de la sphère.

 

  • Au contraire, lors de la sphérification inverse, le calcium va sortir de la préparation pour former un gel avec l'alginate de sodium contenu dans le bain. Cette fois-ci, les sphères auront un coeur liquide et stable dans le temps car la pellicule gélifiée s'épaissira vers l'extérieur et non vers l'intérieur.

Schéma de la sphérification inverse

La Gélification


       Cette méthode culinaire résulte d’une transformation d’un liquide en forme de gel. Cette transformation se fait grâce à des protéines qui vont enfermer le liquide pour le rendre gélatineux. Ces protéines peuvent être d’origine animale comme pour la gélatine ou végétale comme pour l’agar-agar.
       
       La gélification se déroule en plusieurs étapes : 

  • L'état « solution » : Le gel d'agar-agar est sous forme d'une solution. Les molécules sont désorganisées. Le polymère d'agar-agar est sous forme de pelote. On le trouve sous cette forme lorsqu'il est porté à ébullition (A).

  • L'état « gel » : Le polymère est désormais ordonné en double hélices. On le trouve sous cette forme une fois que la température a baissé (à froid). Le gel est élastique (B).

  • L'état « gel rigide » : Des chaînes se réunissent (C), formant des agrégats. Il s'ensuit la formation d'un réseau tridimensionnel ordonné, qui emprisonne l'eau entre ses mailles (D). Le gel est cassant.

Schéma de la gélification par l'agar-agar

 
La formation des hélices ( figure B) :
       L'agar agar, de formule brute C12H18O9 est un polymère constitué de deux polysaccharides (sucre complexe composé de plusieurs molécules de sucres simples) : l'agarose et l'agaropectine.

  • L’agarose est un polymère de galactose. Il est plus précisément composé d'une succession de D-Galactose et d'anhydrogalactose, qui présente des groupements CH2-O. Il est le composant actif de l'agar-agar : il est responsable de son action gélifiante.

  • L’agaropectine possède la même structure de base que l’agarose, c'est-à-dire qu’il est constitué de monomères de galactose, mais contrairement à l'agarose, il est associé à des ions OSO32- et ne possède pas de groupements CH2-O.

     

       Si l'agarose est le composant actif de l'agar-agar, c'est parce qu'il possède des groupements CH2-O qui sont hydrophobes. L’agaropectine, au contraire possède des groupements hydrophiles OSO32-.

   Lorsque l'agar-agar rentre en contact avec l'eau, les groupements hydrophobes CH2-O situés sur l'anhydrogalactose vont essayer «d'éviter» l'eau. Les molécules d'agar-agar se placent alors parallèlement deux par deux, les groupements hydrophobes tournés vers l'intérieur. Les deux molécules de chaque « paire » se rapprochent l'une de l'autre, à tel point que des liaisons hydrogènes naissent entre les deux molécules au niveau des radicaux CH2-O. La naissance de ces liaisons hydrogène est favorisée par la baisse de température : plus la température est basse, plus il y aura de liaisons hydrogène. Ce sont ces dernières qui vont assurer la stabilité du gel.

Schéma du processus de gélification

Tout comme pour la sphérification basique, nous avons pu tester cette technique en laboratoire en réalisant des spaghettis à l'orgeat.

  • Préparation : nous avons d'abord mélangé 100 ml de sirop d'orgeat à 100 ml d’eau. Puis nous y avons dilué l’agar-agar en mixant. Nous avons porté le tout à ébullition et mélangé une minute. Nous avons ensuite laissé tiédir quelques minutes.

  • Nous avons rempli une seringue avec le mélange, fixé un tuyau en silicone à son extrémité et y avons injecté la préparation de manière à le remplir entièrement. Puis nous avons placé le tuyau rempli dans un récipient contenant de l’eau froide et quelques glaçons et laissé prendre en gelée 5 minutes. Plus l’eau est froide, plus la gélification est rapide. Généralement, une préparation à base d’Agar-agar gélifie vers 45°C.

  • Enfin, nous avons rempli la seringue avec de l’air et nous l'avons fixée sur l’extrémité d’un tube rempli de préparation gélifiée. En poussant la seringue, nous avons intensifié la pression dans le tube et ainsi fait sortir les spaghettis gélifiés.

 
Voici une vidéo de notre réalisation

La surgélation à l'azote liquide

 
     Lorsqu'elle entre en réaction avez l'azote liquide, l'eau contenue dans la préparation à surgeler s'agrège en cristaux de plus en plus gros. Souvent, la préparation laisse échapper beaucoup de son eau et s'amollit tout en refroidissant. En cuisine moléculaire, on emploie l'azote liquide que comme agent refroidissant, c'est-à-dire qu'il n'est utilisé que pour faire baisser la température des aliments, après quoi on attend qu'il s'évapore complètement pour déguster les résultats. En effet, les produits ayant été en contact avec l'azote sont d'abord si froids qu'il serait dangereux de les consommer immédiatement. Il convient donc de laisser aux produits surgelés à l'azote le temps de se réchauffer (c'est pourquoi les chefs ont tendance à surgeler surtout des préparations peu denses, telles les meringues et les mousses glacées, dont la température remonte plus rapidement).

         Les propriétés cryogénisantes de l'azote liquide, qui provoquent une forte baisse de température dépassant les -150°C, peuvent aussi être mises à contribution dans la confection de crèmes glacées onctueuses, ou encore de cocktails alcoolisés surgelés.
 
 
A l'échelle moléculaire 
      Les cellules d’une grande partie des produits alimentaires sont composées principalement d'eau et baignent dans de l'eau. Pendant le processus de cryogénisation alimentaire, on doit préserver les substances gustatives et empêcher la déshydratation au maximum pour empêcher les pertes de goût.
       L'aliment est plongé dans de l'azote liquide. L’aliment se refroidit très rapidement car les mouvements et les transformations de ses molécules sont stoppés par le froid. En effet, plus on diminue la température d'un aliment, plus on ralentit les molécules qui le composent. De minuscules cristaux se forment donc à partir de l'eau des cellules, qui n'éclatent pas et ne s'abîment pas car l'azote liquide a une action brutale et spontanée. Les aliments surgelés acquièrent donc une nouvelle structure et peuvent être accompagnés de vapeurs dues à la condensation de l'air ambiant.

L'émulsion


     Une émulsion est une dispersion de deux liquides non miscibles (qui ne peuvent pas se mélanger). Le liquide dispersé prend la forme de gouttes flottant dans l'autre liquide. En alimentaire, les émulsions les plus connues sont les émulsions d'huile dans l'eau.
      Cependant, elles ne sont pas stables car les deux liquides finissent par se séparer. En effet, les molécules d’eau sont constituées d’un atome d’oxygène et de deux atomes d’hydrogène (H2O). Les molécules d'eau se lient entre elles grâce à des liaisons hydrogènes : en effet, l’atome d'oxygène d'une molécule se lie avec un atome d'hydrogène d'une molécule voisine. La molécule d'eau est dite polaire car elle possède un pôle chargé négativement et l'autre positivement. La molécule d’huile est un composé organique qui contient des atomes d’hydrogène et de carbone. L’eau et l’huile ne peuvent pas se mélanger en raison de la polarité des molécules d’eau. En effet, la molécule d’huile est apolaire, cela signifie qu’elle ne présente pas de pôles négatif et positif, contrairement à la molécule d’eau. La molécule d’huile ne peut donc pas se stabiliser avec la molécule d’eau car elle ne peut pas former de liaisons hydrogène avec celle-ci.

    Cependant, les molécules ayant des propriétés tensioactives (substance modifiant la tension superficielle entre deux surfaces) permettent de stabiliser l'émulsion.

   Les tensioactifs se composent de molécules amphiphiles présentant

  • un côté lipophile (affinité pour les lipides)

  • et un côté hydrophile (affinité pour l’eau).

Cette propriété leur permet de solubiliser deux phases non miscibles.

Schéma d'une molécule tensioactive

      Les tensioactifs permettent de stabiliser les émulsions en se plaçant entre les gouttelettes du liquide dispersé dans l'autre liquide, ce qui empêche les deux liquides de se séparer.

        Les émulsions sont composées d’une phase aqueuse et d’une phase huileuse. Pour mélanger ces deux phases, il faut utiliser un troisième constituant appelé émulsifiant (lécithine de soja, Å“uf, gélatine, etc...) qui va stabiliser l’émulsion grâce à des molécules tensioactives. Lorsqu'on bat le mélange pour former l'émulsion, on mélange l'eau et le gras et on déroule les molécules tensioactives qui vont venir enrober les gouttes d’huile pour former des micelles : la partie lipophile des tensioactifs va se lier à l'huile et les têtes hydrophiles vont se lier à l'eau en formant des liaisons hydrogènes avec les molécules d’eau. Les micelles ne « fusionnent » pas en une seule phase car les têtes des tensioactifs sont électriquement chargées : les micelles présentent alors toutes les mêmes charges et se repoussent. On obtient ainsi une émulsion stable.
     En cuisine moléculaire, l’eau n’est pas utilisée « pure » mais additionnée de molécules qui donnent du goût comme le vin, le vinaigre, le bouillon, les jus de viande, de légumes ou de fruits... principalement constituées d’eau. Dans cette eau, il faudra disperser au fouet de l’huile qui peut être remplacée par toute autre matière grasse liquide comme du chocolat fondu, du beurre fondu, du foie gras fondu...

Schéma d'une émulsion sans l'action d'émulsifiant


 

 


       Ainsi, la cuisine moléculaire permet de modifier la structure des aliments à travers l'usage d'additifs alimentaires variés. En effet, les molécules qu'ils contiennent vont agir sur les aliments et modifier leur structure. La cuisine moléculaire permet donc le renouveau de la cuisine traditionnelle, et s'inscrit dans la suite des innovations culinaires du XXème siècle. Sa réalisation unique est certes dépassée, mais la cuisine moléculaire est utile aux grands chefs qui ponctuent leurs plats d'aliments préparés selon des techniques de la gastronomie moléculaire.
 


-> Désormais, nous pouvons nous demander comment la cuisine moléculaire peut tromper le goût des aliments.

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